Tunic (Song for Karen)

Le premier riff de guitare de Sonic Youth que j’ai entendu, c’est le bourdonnement dévastateur qui inaugure Tunic (song for Karen), un morceau que Bernard Lenoir passait régulièrement sur France Inter en 1989. C’est alors que je me rends compte que le rock indépendant américain est bien plus excitant que celui d’outre Manche, avec des groupes comme Lemonheads, Pixies, Dinosaur JR. Un peu plus tard, quand j’animerai une émission sur une petite radio locale, je découvrirai Fugazi, Mudhoney et Nirvana.

Mais, en 1989, Sonic Youth est un groupe qui a déjà une longue histoire. Fondé à New York en 1981, sur les cendres de la no-wave, le groupe s’inspire d’une tradition musicale faite d’expérimentations et d'un regard lucide sur la société qui remontent au Velvet Underground, à la scène punk du CBGB (Television, Richard Hell…) et aux recherches symphoniques pour guitares de Rhys Chatham et Glenn Branca. Ils suivront (où seront à l’origine) de plusieurs tendances musicales (hard-core, noise-rock, grunge, post-rock, math-rock…), insufflant sur leur disque un son toujours neuf, pas toujours accessible au premier abord. Pour faire simple : la musique de Sonic Youth peut être considérée comme une tentative de déstructuration de la pop music, faisant de la guitare plus un élément sonore qu’un instrument de musique dont on apprend traditionnellement à jouer. D’où un certain rejet du mainstream, de l’académisme ambiant.

Difficile, alors, dans ces conditions d’avoir du succès. Or Sonic Youth s’est construit dans les années 80 une solide réputation de musiciens avant-gardistes. En terme d’affluence, l’arrivée du grunge aura été bénéfique pour le groupe. Après le double album Daydream Nation, qui marque l’aboutissement de leur première période, l’album Goo, sorti en 1989, quoique très violent, marque un détour vers la pop. La production, confiée à Don Fleming, renforce ce côté lisse et propre malgré le flot de larsens. C’est aussi le premier disque de Sonic Youth enregistré sur une major (Geffen), ce qui, dans le milieu indépendant farouchement attaché à la liberté de création, suscite bien des débats (il suffit de se rappeler des mésaventures de Neil Young). Quelque temps après sa sortie, Goo sort aussi en vidéo : chaque chanson étant mise en clip par des réalisateurs undergrounds.

Tunic est un hommage à Karen Anne Carpenter, chanteuse et batteuse au sein des Carpenters, duo formé avec son frère Richard. Karen est morte en 1983, à l’âge de 32 ans, d’un arrêt du cœur suite à ses crises d'anorexie. La bassiste de Sonic Youth, Kim Gordon, prend sa place et se regarde disparaître petit à petit devant le miroir, se sentant maigrir jour après jour. Mais elle est prête à rejoindre Janis et Elvis au paradis des rockeurs. La vidéo est réalisée par Tony Oursler, vidéaste et plasticien connu pour ses sculptures et ses installations vidéo où des visages sont projetés sur des volumes, parlant, criant et regardant le public.

Karen Carpenter

Le clip reprend l’imagerie doucereuse et édulcorée des plateaux télé du début des années 70. Un univers qui correspondait bien à la musique mielleuse et à la voix réconfortante de Karen, une voix qui a bercé, dans leur enfance, de nombreux artistes américains. En 1994, Sonic Youth fera une reprise de Superstar sur un album en hommage aux Carpenters où figurent, entre autres, The Cranberries, Sheryl Crow, Redd Kross, Babes in Toyland et Johnette Napolitano.

Le site officiel de Sonic Youth: www.sonicyouth.com

Sonic Youth

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